Sécurité Routière : 22 nouvelles mesuresPlus que jamais déterminé à faire chuter la mortalité routière, le gouvernement a présenté au CISR du 2 octobre 2015 un nouveau plan d'action constitué de 22 mesures. Pour les motocyclistes, les plus importantes concernent le contrôle technique, le port obligatoire de gants mais aussi les radars leurres...

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Sécurité RoutièreLe 26 janvier dernier, le Ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a présenté un plan d'action contre la mortalité routière composé de 26 mesures phares. Parmi elles, 19 ont depuis été mises en oeuvre : augmentation de la taille des plaques d'immatriculation, interdiction d'utiliser le téléphone et les kits mains libres en roulant ou encore baisse du taux d'alcool maximum pour les jeunes conducteurs...

Pas encore suffisant selon Manuel Valls, qui s'appuie sur une récente étude de l'Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière (ONISR) pour pointer du doigt un relâchement du comportement des usagers de la route. Après douze années de baisse continue, la mortalité routière est en effet repartie à la hausse en 2014. Avec + 3,5%, 3 384 personnes ont perdu la vie sur les routes de France l'an dernier.

Evolution de la mortalité routière en France métropolitaine de 1995 à 2015
Evolution de la mortalité routière en France métropolitaine de 1995 à 2015

Fort de ce constat, le Premier Ministre a réuni vendredi dernier (le 2 octobre 2015) un nouveau Comité Interministériel de la Sécurité Routière (CISR). Et défini avec son gouvernement un plan d'action interministériel en faveur de la sécurité routière. Constitué de 4 grands chapitres et 22 mesures, il concerne l'ensemble des français mais aussi les conducteurs étrangers qui empruntent notre réseau routier :

Intensifier la lutte contre les comportements dangereux

Signes du relâchement des comportements, certains agissements routiers dangereux se répandent sur les routes, notamment dans les flux denses de circulation. La vitesse excessive ou inadaptée aux circonstances est la cause principale de 26% des accidents mortels.

L'accidentalité routière a remonté durant 2014, une tendance qui se poursuit en 2015
L'accidentalité routière a remonté durant 2014, une tendance qui se poursuit en 2015

La vitesse reste donc bien la question centrale en matière de sécurité routière. Elle détermine la survenue de l'accident et accroît sa gravité. Une politique déterminée et innovante visant à mieux faire respecter les limitations actuelles est indispensable pour permettre de renouer avec une baisse de l'accidentalité routière.

En outre, la conduite sous emprise alcoolique ou sous emprise de produits stupéfiants est la cause principale de respectivement de 19% et 13% des accidents mortels en 2014.

L'alcoolémie délictuelle est elle aussi en hausse : plus 12,7% en 2014
L'alcoolémie délictuelle est elle aussi en hausse : plus 12,7% en 2014

Enfin, le défaut de permis de conduire et le défaut d'assurance sont autant de comportements dangereux sur la route. Là aussi, la tendance est particulièrement préoccupante : les délits pour défaut de permis ont augmenté de 13,8% en 2014 ; ceux pour défaut d'assurance, de 19,3%. De tels agissements doivent être mieux détectés et sanctionnés.

Une action déterminée, qui allie renforcement de certaines règles et multiplication des contrôles pour les faire respecter, est indispensable.

  1. Multiplier par quatre le nombre des zones sécurisées par des dispositifs de contrôle automatisés, en installant notamment des radars « leurres » : il s'agit de créer des zones de contrôle de la vitesse, toujours signalées par un panneau, au sein desquelles des radars seront susceptibles d'être ou non présents.
  2. Augmenter, dans les meilleurs délais, l'utilisation des radars embarqués dans des véhicules banalisés, en confiant leur mise en œuvre à des prestataires agréés, sous étroit contrôle de l'Etat.
  3. Développer et augmenter le nombre d'infractions constatables par les radars multifonctions (feux-rouges, vitesse, discriminants par type de véhicule, respect des distances de sécurité, détection des dépassements dangereux, franchissement de ligne continue, etc). A cet effet, le plafond du nombre des radars sera augmenté de 4 200 à 4 700, à échéance de 3 ans. Chaque implantation nouvelle de radars fera, comme c'est toujours le cas, l'objet d'une étude approfondie de l'accidentalité du site.
  4. Augmenter la proportion, au sein du parc, des radars autonomes déplaçables, en portant leur nombre à 250 fin 2016.
  5. Expérimenter l'utilisation de drones au service de la sécurité routière. Expérimenter l'utilisation des systèmes de lecture automatisée des plaques d'immatriculation pour lutter contre le défaut d'assurance des véhicules.
  6. étendre le nombre des infractions pouvant être constatées sans interception en bord de route (vidéo-verbalisation ou radar automatisé avec envoi d'une contravention), en commençant par le non-port du casque.
  7. Elargir les possibilités de recours à l'éthylotest anti-démarrage (EAD) sur décision judiciaire et le permettre sur décision préfectorale pour les contrevenants d'habitude.
  8. Augmenter le nombre de contrôles des conduites sous stupéfiant : la prise de sang en milieu médical, consommatrice de ressources humaines des forces de l'ordre, sera remplacée par un test salivaire de confirmation, effectué au bord de la route.
  9. Afin de dissuader la conduite sous l'emprise de stupéfiants, permettre aux officiers de police judiciaire et, sous leur contrôle, aux agents de police judiciaire, de prendre l'initiative de contrôles aléatoires de stupéfiants.
  10. Lutter contre la conduite avec un faux permis ou avec un permis falsifié, par la création d'un délit spécifique permettant la confiscation du véhicule.
  11. Lutter contre le défaut d'assurance :
    • en rendant obligatoire la présentation de l'attestation d'assurance lors de l'immatriculation du véhicule ou du retrait d'un véhicule mis en fourrière ;
    • en créant un fichier des véhicules assurés, consultable lors du contrôle automatisé de la vitesse ou par les lecteurs automatiques de plaque d'immatriculation des forces de l'ordre (LAPI), afin de détecter les véhicules non-assurés en circulation.

Protéger les plus vulnérables

Un accident de la route est toujours un traumatisme pour les personnes directement concernées comme pour leurs proches. Dans ces moments particulièrement difficiles, les démarches administratives et judiciaires doivent être facilitées et pouvoir être conduites dans les meilleurs délais.

Un motard ou scootériste a 23 fois plus de risques d'être tué sur la route
Un motard ou scootériste a 23 fois plus de risques d'être tué sur la route

En outre, les usagers de deux-roues (motorisés ou non) constituent une catégorie à part dans la sécurité routière. Le caractère très grave des accidents en deux-roues est trop souvent lié à l'insuffisance de protection. Pourtant, il n'ont fait l'objet que d'une seule mesure spécifique de protection corporelle, adoptée le 1er juillet 1973 : le port obligatoire du casque.

Près de 1 500 cyclistes ont été hospitalisés en 2014 soit un ratio de 11 cyclistes tués pour 100 hospitalisés. Du fait de la faible protection dont peuvent bénéficier ces usagers, les blessures sont souvent graves, notamment quand elles touchent la tête.

  1. Améliorer l'accompagnement des victimes des accidents de la circulation et de leurs familles et faciliter leur indemnisation :
    • en permettant une prise en charge immédiate et efficace des victimes dès l'ouverture de l'enquête ;
    • en facilitant l'organisation des audiences correctionnelles dédiées au contentieux routier ;
    • en renforçant l'indépendance des experts requis par la justice en matière d'accidents de la route et d'indemnisation du dommage corporel, par la prévention des conflits intérêt ;
    • en réduisant les délais d'exécution de l'indemnisation des victimes.
  2. Afin de sécuriser le parc d'occasion et de protéger l'acheteur, instaurer un contrôle technique pour la vente de deux-roues motorisés d'occasion à échéance de deux ans.
  3. Conditionner la possibilité de conduire une moto de forte puissance (supérieure à 35 KW) à une formation qui ne pourra être effectuée qu'après deux ans de détention du permis moto.
  4. Afin de limiter les blessures graves, rendre obligatoire le port de gants homologués pour les usagers de deux-roues motorisés.
  5. Pour protéger les usagers de bicyclette de moins de 12 ans, rendre obligatoire pour eux le port du casque certifié.

Faire entrer la sécurité routière dans l'ère du numérique

Les vitesses maximales autorisées (VMA) sont fixées par le code de la route. Cependant, toute autorité de police peut, pour des raisons liées à la sécurité routière, l'ordre public ou des motifs environnementaux, les abaisser. Ces changements fréquents des VMA sont parfois difficiles à connaître ou à suivre pour les usagers de la route.

Certains systèmes disponibles sur le marché (GPS inclus ou non dans des téléphones) peuvent informer de ces vitesses et de leur respect, mais sans certitude pour l'utilisateur de leur mise à jour. Afin d'y remédier, et de favoriser ainsi le respect des règles, l'Etat constituera un registre de ces VMA sur l'ensemble du territoire, qu'il mettra à disposition du public (Open Data).

  1. Bâtir à échéance de 2 ans une base de données nationale des vitesses maximales autorisées, en libre accès, enrichie progressivement par l'ensemble des autorités ayant la compétence pour fixer ces vitesses.
  2. Nouer des partenariats de long terme avec les sociétés qui par leur activité peuvent concourir à la sécurité routière (aide à la navigation, téléphonie mobile...).
  3. S'agissant des véhicules, promouvoir auprès de l'Union Européenne l'obligation progressive d'équipements innovants améliorant la sécurité routière (surveillance des angles morts, dispositifs de freinage d'urgence et systèmes de détection de la dérive de la trajectoire, système visuel et sonore de bouclage de la ceinture sur toutes les places assises, ergonomie des postes de conduite et lutte contre les facteurs de distraction que sont, par exemple, les écrans ou les téléphones...).

Tous égaux devant la loi

Trop souvent, une infraction commise par un usager au volant d'un véhicule mis à sa disposition par son employeur n'aboutit pas au paiement de l'amende ni au retrait des points. Ceci provoque le sentiment que tous les usagers de la route ne sont pas égaux devant la sanction. Au demeurant, les accidents de la route sont de loin la première cause de mortalité au travail : près d'un accident mortel du travail sur deux est un accident de la route. Empêcher que les règles soient éludées est donc une mesure de sécurité routière indispensable.

En outre, les véhicules étrangers circulant sur le réseau routier français sont soumis aux règles du code de la route. Mais en cas d'infraction (3,13 millions d'infractions concernent un véhicule étranger en 2014, soit 12,5% du nombre total), ils peuvent, en fonction des fautes, et en particulier en cas d'excès de vitesse, être l'objet d'un traitement différent de celui des usagers français dans la même situation, puisqu'aucun point ne peut leur être retiré. Il convient d'y remédier.

Les véhicules étrangers sont sur-représentés en matière d'infractions de la route
Les véhicules étrangers sont sur-représentés en matière d'infractions de la route

  1. Assurer l'égalité pour tous en matière de respect des règles :
    • en créant la contravention de non-révélation de l'identité du conducteur par le représentant d'une personne morale propriétaire du véhicule en infraction (contravention de 4ème classe de 650 €).
    • par un suivi effectif de la mise en jeu systématique de la responsabilité des agents publics qui commettent une infraction avec un véhicule administratif mis à leur disposition (sauf motif légitime inhérent à la mission).
  2. Permettre à certains employeurs, en particulier les transporteurs, de connaître la validité ou l'invalidité du permis de conduire de leurs employés affectés à la conduite (à l'exclusion du solde de points et de toute autre donnée personnelle).
  3. Restaurer l'égalité de traitement entre conducteurs français et étrangers :
    • afin d'assurer le recouvrement de leurs amendes, en inscrivant dans un nouveau fichier les conducteurs non domiciliés en France qui n'ont pas payé leurs amendes forfaitaires majorées (AFM) ;
    • à court terme, en créant un « permis à points virtuel » pour les contrevenants étrangers lors de leur passage sur les routes françaises, fonctionnant comme un permis de conduire à points français ;
    • en promouvant fortement au plan européen l'adoption d'une législation permettant la reconnaissance mutuelle entre états membres du retrait des points et des permis de conduire.

L'objectif fixé dans le cadre de ce nouveau CISR reste inchangé, à savoir descendre sous la barre des 2 000 personnes tuées sur nos routes en 2020. Pour en contrôler les avancées, rendez-vous a été donné dans un an. La FFMC, qui protège les intérêts des motards, promet d'importantes mobilisations contre le contrôle technique moto / scooter et le port obligatoire des gants. Il s'agit pour elle de mesures inadaptées et « provocantes ». Affaire à suivre !

Site officiel : securite-routiere.gouv.fr.